Les paroles que tu as dites sont très claires; un enfant les comprendrait. Je suis déchiré au fond du cœur d'une morsure sanglante, quand je t'entends gémir et te lamenter sur ta malheureuse destinée.
Antistrophe VII.
Ô travaux! travaux d'une ville renversée à jamais! Fêtes sacrées de mon père au pied des tours! Immolation des innombrables bœufs de nos pâturages! Rien n'a pu sauver la ville de sa ruine présente, et moi, toute chaude du souffle divin, je serai bientôt étendue contre terre!
Ces paroles ne démentent pas celles que tu as déjà dites; mais quel daimôn fatal s'agite en toi et te contraint de chanter la douleur, le deuil et la mort? Je ne comprends pas ce qui doit arriver.
Certes, l'oracle ne regardera plus à travers des voiles comme une jeune mariée, mais voici qu'il va éclater et resplendir au lever de Hèlios! Soufflant et grondant à la façon de la mer soulevée, un malheur bien plus terrible que celui-ci va écumer à la lumière! Et je ne parlerai plus par énigmes. Et vous, soyez témoins que ma course suit tout droit, à l'odorat, la piste des malheurs qui se sont accomplis ici autrefois. Il n'abandonne point ces demeures, le chœur discordant et horrible à entendre! Certes, pour irriter sa rage, il a bu le sang humain, sans quitter cette demeure, le troupeau des Érinnyes qu'on ne peut chasser! Toujours assises dans ces demeures, elles chantent le crime, le premier de tous. Puis elles maudissent celui qui viola le lit de son frère. Maintenant, ai-je manqué le but ou l'ai-je atteint comme un habile archer? Suis-je une fausse divinatrice qui va bavardant et frappant aux portes? Sois témoin! Atteste et jure que je connais les crimes antiques de ces demeures.
Pourquoi attester et jurer? Cela nous sauvera-t-il? Certes, j'admire qu'élevée par delà la mer, dans une ville étrangère, tu puisses parler comme si tu avais toujours été ici.
Le prophète Apollôn m'a fait ce don.
Le Dieu n'était-il point saisi d'amour?
Autrefois, la pudeur m'eût empêchée de l'avouer.
Certes, qui possède la puissance en abuse.
Ce fut un lutteur violent, car son cœur était plein d'amour pour moi.
Lui as-tu accordé de s'unir à toi, comme font ceux qui s'aiment?
Je promis, mais je trompai Loxias.
Étais-tu déjà douée de l'art de la divination?
Déjà je prophétisais tous leurs malheurs à nos concitoyens.
Mais la colère de Loxias t'a-t-elle épargnée?
Personne ne me croit plus depuis que j'ai ainsi menti.
Tu nous sembles, cependant, une divinatrice véridique.
Hélas, hélas! ô malheur! De nouveau le travail prophétique gonfle ma poitrine, prélude du chant terrible! Voyez-vous ces enfants assis dans les demeures, semblables aux apparitions des songes? Ce sont des enfants égorgés par leurs parents. Ils apparaissent, tenant à pleines mains leur chair dévorée, leurs intestins, leurs entrailles, misérable nourriture dont un père a pris sa part! C'est pourquoi je vous dis qu'un lion lâche médite, en se roulant sur le lit de l'époux, la vengeance de ce crime. Malheur à celui qui est revenu, à mon maître, puisqu'il me faut subir le joug de la servitude! Le chef des nefs, le destructeur d'Ilios, ne sait pas ce qu'il y a sous le visage souriant et les paroles sans nombre de l'odieuse chienne, et quelle horrible destinée elle lui prépare, telle qu'une fatalité embusquée! Elle médite cela, la femelle tueuse du mâle! Comment la nommer, cette bête monstrueuse? Serpent à deux têtes, Skylla habitante des rochers et perdition des marins, pourvoyeuse du Hadès qui souffle sur les siens les implacables malédictions! Quel cri elle a jeté, la très audacieuse, comme un cri de victoire dans le combat, comme si elle se réjouissait du retour de son mari! Maintenant, si je ne t'ai point persuadé, et pourquoi le serais-tu? ce qui doit arriver arrivera. Certes, tu seras témoin et tu diras, plein de pitié, que je n'étais qu'un prophète trop véridique.
J'ai reconnu, et j'en ai eu horreur, le repas de Thyestès qui dévora la chair de ses enfants, et la terreur me saisit en entendant ces choses si vraies et non inventées; mais, pour celles que tu as dites d'abord, je dévie du droit chemin.
Je te le dis, tu verras le meurtre d'Agamemnôn.
Ô malheureuse! contrains ta bouche de mieux parler.
Il n'y a aucun remède à ce que j'ai dit.
Non, certes, si cela doit arriver. Mais que cela n'arrive pas!
Toi, tu pries! Eux ne songent qu'à l'égorgement!
Par quel homme ce crime serait-il accompli?
Certes, tu n'as point compris mes oracles.
En effet, je ne comprends point l'embûche qui se prépare.
Pourtant, je ne sais que trop la langue des Hellènes.