Ce matin, au moment où j’écrivais ceci, un homme est entré dans ma chambre qui m’a remis de votre part un paquet de livres russes et votre lettre du 24 septembre. Grand merci pour l’un et pour l’autre. Quant aux inquiétudes exprimées dans votre lettre sur mon arrivée tardive à Turin, je crois déjà vous avoir suffisamment rassurés à ce sujet.
Maintenant laissez-moi vous parler de ce qui me préoccupe à l’exclusion de toute autre chose au monde, et cela, je puis bien le dire avec vérité à chaque instant de la journée. C’est de ma femme que je veux vous parler. J’ai appris par une lettre que j’ai reçue d’elle il y a une dizaine de jours sa résolution définitive de passer l’hiver à Pétersbourg. Certes, c’était là pour elle, aussi bien que pour moi, une dure, bien dure nécessité, plus dure et plus cruelle, que moi, je ne puis le dire, ni que qui que ce soit au monde peut l’imaginer. Mais il n’y avait pas à balancer. Il y aurait la folie évidente, faible de santé, comme elle est, et avec trois enfants sur les bras, d’entreprendre un pareil voyage dans cette saison. Elle a donc bien fait de rester. Je l’approuve et remercie tous ceux qui le lui ont conseillé. Maintenant, pour ce qui me concerne, il n’y a qu’une seule chose qui puisse adoucir un peu pour moi l’amertume de la séparation. C’est la certitude de la savoir à Pétersbourg le moins mal possible. C’est pourquoi, chers papa et maman, je vous la recommande encore une fois et cela avec les plus vives instances. Il serait inutile de chercher à vous expliquer de quelle nature sont mes sentiments pour elle. Elle les connaît et cela suffit. Laissez-moi vous dire seulement ceci: c’est que le moindre petit bien qui lui sera fait, aura cent fois plus de valeur à mes yeux que les plus grandes faveurs perpétuelles qui pourraient m’être accordées. Voilà ce que j’ai décidé relativement à son entretien pour le temps qu’elle a à passer à P<étersbourg>, et je vous saurai un gré infini si vous consentez à y souscrire…
Si elle attend pour venir me rejoindre le retour de la navigation, il faut compter qu’elle ne pourra guères partir avant les derniers jours du mois de mai. C’est donc, à compter du 1er décembre, six mois entiers. Papa a eu la bonté de lui avancer la somme de 1600 r
Dans la lettre que je lui ai écrite hier, j’ai oublié de lui recommander une chose qui est de quelque intérêt pour moi, et je vous serai fort obligé, si vous vous chargiez de lui en parler.
Je désire qu’aussitôt qu’elle apprendra l’arrivée à Pétersb
Cette lettre, chère maman, maintenant que la navigation est fermée et les chemins détestables, n’arrivera que peu de jours avant votre fête et celle de ma fille. Embrassez-la pour moi et bénissez-la. L’idée de vous savoir tous réunis — tous les êtres que j’aime le mieux au monde, réunis et parlant quelquefois de moi — cette idée est la seule qui me console par moments de mon isolement actuel. Mais d’autrefois elle fut que je ne le sens que plus vivement. Comment se porte Dorothée et son enfant? Mille amitiés à Ник<олай> В<асильевич>.
Et Nicolas, que fait-il? Vous écrit-il? Viendra-t-il cet hiver vous voir? Ah, si lui encore devait venir compléter la réunion — alors — mais quoi alors? Je n’en resterai pas moins à Turin avec un peu plus de peine et de tristesse et d’envie. Mais j’y resterai.
Mille amitiés à tous ceux qui se souviennent de moi.
Жуковский est-il de retour? pas encore, probablement. Mais dès qu’il sera revenu, tâchez de vous rapprocher de lui, à mon intention, et recommandez aussi à Nelly de faire sa connaissance et de la cultiver.
Je ne m’aperçois en finissant que je ne vous ai presque rien dit de la vie que je mène ici. Mais c’est par la raison qu’il n’y a rien à en dire. Le matin je lis et me promène. La contrée est magnifique aux environs de Turin et la saison est encore belle. Tous les jours un ciel bleu — et il y a encore des feuilles aux arbres. Puis je dîne chez Obres
J’ai fait quelques connaissances d’avec le corps dip
Скажите, для того ли родился я в Овстуге, чтобы жить в Турине? Жизнь, жизнь человеческая, куда какая нелепость! Ох, простите — целую ваши ручки от всего сердца. Ф. Тютчев
Турин. 1/13 ноября 1837
Любезнейшие папинька и маминька, полагаю, что теперь вы уже получили первое письмо, написанное мной отсюда, и это письмо, надеюсь, вполне успокоило вас на мой счет. Еще раз простите за беспокойство, которое я мог вам причинить. Вот уже около месяца как я в Турине, и этого времени было достаточно для составления мнения о нем, вероятно, окончательного. Как место, как служба, словом, как средство к существованию — Турин несомненно один из лучших служебных постов. Во-первых, что касается дел, то их нет. Любезность Обрезкова по отношению ко мне не оставляет желать ничего лучшего — и вот тут я не смогу в достаточной мере загладить свою вину за предубеждения, которые возымел против него, доверившись общественному злословию. Жалованье, не будучи значительным, все же составляет 8000 рублей, что же касается здешних цен, то они таковы, что, обладая этой суммой в двойном размере, семья может кое-как просуществовать. Сверх того я имею надежду с будущей осени остаться поверенным в делах в течение целого года. Это положительная сторона дела. Но, как местопребывание, можно считать, что Турин — один из самых унылых и угрюмых городов, сотворенных Богом. Никакого общества. Дипломатический корпус малочислен, не объединен и, вопреки всем его усилиям, совершенно отчужден от местных жителей. Поэтому мало кто из дипломатических чиновников не почитает себя здесь в изгнании, — например, Обрезков, который — после пятилетнего пребывания здесь и несмотря на превосходные обеды, которые он дает, на три бала в неделю во время сезона и на свою хорошенькую жену, — не смог привлечь достаточно народу, чтобы составить себе партию в вист. Так же обстоит дело со всеми его коллегами. Одним словом, в отношении общества и общительности Турин совершенная противоположность Мюнхену. Но, повторяю, это, может статься, самый удобный способ заработать 8000 рублей в год.