– Allons bon, les poupées maintenant.

– Khi, khi… Très jolie, la poupée… khi.

– Il fait ses adieux, chuchota le jeune homme. Qu’il s’en aille et nous filons sur-le-champ. M’entendez-vous? Réjouissez-vous donc!

– Dieu le veuille, oh! Dieu le veuille.

– Cela vous servira de leçon…

– Jeune homme! De quelle leçon parlez-vous? Je devine… Mais vous êtes encore jeune. Vous ne pouvez me faire la leçon.

– Je vous en donnerai tout de même une… Écoutez…

– Dieu, je vais éternuer…

– Chut! Si vous osez…

– Que puis-je faire? Cela sent trop fort la souris… Je ne puis vraiment pas… Tirez, mon mouchoir de cette poche, au nom du ciel… impossible de faire un mouvement. Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi cette punition?

– Le voilà, votre mouchoir. Votre punition, je vais vous en dire la cause. Vous êtes jaloux. Vous basant je ne sais sur quoi, vous courez comme un possédé, entrez fou furieux chez des étrangers, causez du scandale…

– Je n’ai provoqué aucun scandale.

– Taisez-vous!

– Jeune homme, vous n’avez pas le droit de me faire des sermons. Je me conduis mieux que vous.

– Silence!

– Oh! mon Dieu, mon Dieu!

– Vous causez du scandale, vous épouvantez une jeune dame qui tombera peut-être malade. Vous jetez dans l’inquiétude un respectueux vieillard torturé par la toux et qui, avant toute chose a besoin de calme… Et tout cela pourquoi? Parce que vous vous êtes figuré le diable sait quelles sottises qui vous font courir de droite et de gauche… Comprenez-vous, saisissez-vous dans quelle mauvaise histoire vous vous êtes précipité? Le sentez-vous?

– Très bien, cher Monsieur, je le sens, mais vous n’avez pas le droit…

– Taisez-vous. On s’en moque, ici, du droit. Comprenez-vous que tout cela peut finir en tragédie? Comprenez-vous que ce vieillard qui aime sa femme peut perdre la raison au moment où il vous verra sortir de dessous le lit? Mais non, vous êtes incapable de provoquer une tragédie! Lorsque vous décamperez d’ici, ce ne sera en vous voyant, qu’un vaste éclat de rire. J’aimerais vous voir à la lumière des bougies, vous seriez sans doute très drôle.

– Et vous-même? Vous êtes également très drôle en cette circonstance. J’aimerais bien vous voir…

– Comment le pourriez-vous?

– Vous êtes, jeune homme, assurément, marqué par l’immoralité.

– Oh! vous parlez de moralité! Et comment connaîtriez-vous le motif de ma présence ici? L’erreur m’a conduit ici, je me suis trompé d’étage. Et du diable si je sais pourquoi on m’a permis d’entrer. Je suppose qu’elle devait, en effet, attendre quelqu’un – certainement pas vous. Je me suis caché sous le lit, lorsque j’ai entendu votre pas stupide et que j’ai vu l’effroi de la dame. De plus, il faisait sombre. Et pourquoi me justifier devant vous? Vous êtes un vieillard ridicule et jaloux… Pourquoi je reste sous le lit? Peut-être pensez-vous que j’ai peur d’en sortir? Non Monsieur, ce serait fait depuis longtemps, mais si je ne bouge pas, c’est par pitié pour vous. Que feriez-vous tout seul? Vous seriez comme une souche devant eux, vous ne trouveriez plus vos mots.

– Pourquoi, comme une souche? Pourquoi me comparer à une bûche? Vous auriez pu trouver autre chose jeune homme? Et pourquoi ne saurais-je quoi dire? Je garderai ma tête sur les épaules.

– Oh! Seigneur! Voilà un chien qui se met à japper.

– Vous ne cessez de bavarder. Vous avez réveillé le caniche… Voilà la catastrophe.

Effectivement, le petit chien de la dame qui tout le temps avait dormi dans son coin, sur un coussin, s’était brusquement réveillé. Il flaira la présence d’étrangers et se précipita sous le lit en aboyant.

– Dieu! l’imbécile de chien! murmura Ivan Andreievitch. Il va nous trahir… Malédiction!

– Évidemment. Vous avez une telle peur, que cela peut arriver.

– Ami, Ami, ici, s’écria la maîtresse de maison. Ici, ici.

Mais le caniche n’obéit pas et marcha droit sur Ivan Andreievitch.

– Que se passe-t-il, mon trésor? Pourquoi Amichka jappe-t-il? demanda le vieillard. Sans doute y a-t-il des souris? Ou bien est-ce notre chat Vasska? Je comprends… Il me semblait tout le temps entendre quelqu’un… comme si l’on éternuait… C’est que Vasska est enrhumé aujourd’hui.

– Ne faites pas un mouvement! fit tout bas le jeune homme. Ne vous retournez pas. Il finira peut-être par se taire.

– Mon cher Monsieur, mon cher Monsieur. Lâchez mes mains. Pourquoi les tenez-vous?

– Chut! Taisez-vous.

– Jeune homme, il me mord le nez! Vous ne voudriez pas que je perde mon nez!

Ivan Andreievitch lutta et se délivra. Le caniche aboya avec rage. Soudain il se tut, puis poussa un hurlement.

– Oh! s’écria la dame.

– Bandit! Qu’avez-vous fait? murmura le jeune homme. Vous allez nous perdre. Pourquoi le saisissez-vous? Dieu, il l’étrangle! Ne l’étranglez pas! Lâchez-le! Monstre! Vous ignorez donc ce que peut une femme après cela! Elle nous livrera tous les deux si vous tuez son chien.

Mais Ivan Andreievitch n’écoutait plus rien. Il avait réussi à attraper le caniche et, dans un acte de légitime défense, venait de lui serrer la gorge. La bête poussa un cri plaintif et rendit l’âme.

– Nous sommes perdus, chuchota le jeune homme.

– Amichka! Amichka! cria la dame. Seigneur! Que font-ils à mon Amichka? Amichka! Ici! Oh! les bandits, les barbares! Dieu! je m’évanouis…

– Qu’y a-t-il? Que se passe-t-il? cria le vieillard, bondissant de son fauteuil. Qu’as-tu mon trésor? Amichka, ici! Amichka! Amichka! Amichka! criait-il, claquant des doigts. Ici Amichka, ici! Impossible que Vasska l’ait mangé! Il faut le fouetter, ce chat, mon trésor. Le coquin, voilà un mois qu’on ne l’a fouetté. Qu’en penses-tu? Je demanderai conseil demain à Praskovia Zaharievna. Mais, ma chérie, que t’arrive-t-il? Tu es toute pâle. Oh! Des gens! Des gens!

Le vieillard courait dans la chambre.

– Monstres! Bandits! hurla la dame qui se laissa tomber sur un divan.

– Mais qui? Qui? s’écria le vieillard.

– Là… il y a des personnes, des étrangers. Là, sous le lit. Oh! Seigneur… Amichka, Amichka… Qu’ont-ils fait de toi?

– Mon Dieu, Seigneur! Quelles personnes? Amichka!… Serviteurs, serviteurs venez ici… Qui est là? Qui est là? Serviteurs…


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