– Marie-Thérèse! ouvrez-nous! râlait de même Frédéric.

Puis, soudain, les deux hommes, prenant leur élan, se jetèrent d’un même effort contre la porte qui sauta.

Alors une épouvantable odeur de gaz se répandit dans le corridor et dans tout l’hôtel. Jacques courut aux fenêtres, brisa des carreaux et revint défaillant, rejoindre Frédéric, qui déjà emportait le corps de Marie-Thérèse…

Jacques emporta Lydie… On eût pu les croire mortes toutes les deux tant elles se laissaient aller inanimées entre leurs bras.

Jacques criait au concierge de courir chercher un médecin quand Cécily apparut.

Quel nouveau malheur venait donc frapper encore à sa porte? Elle aimait Lydie comme sa fille… Le destin allait-il lui prendre aussi celle-là?

Ce fut sur le lit de Jacqueline que l’on transporta les deux jeunes filles.

– Elles ont voulu se suicider, gémit Frédéric.

– Mais elles respirent encore! faisait Jacques avec un soupir d’espoir… Lydie ouvrit des paupières languissantes et poussa un soupir.

– De l’air! de l’air! cria Jacques.

Marie-Thérèse, à son tour, montra ses prunelles éteintes et Frédéric se laissa aller en sanglotant sur son cœur…

Il avait trouvé les deux jeunes filles étroitement enlacées sur le lit, comme si elles venaient de se donner le chaste et dernier baiser de la mort… Et il ne comprenait rien à ce drame épouvantable, car il n’était pas coupable, lui!

Le vrai coupable suppliait sa mère de lui sauver sa fiancée.

Sur ces entrefaites le médecin arriva et pratiqua immédiatement des saignées, posa des ventouses au niveau de la base du poumon, en avant et en arrière du cou, mais il ne put dire sur-le-champ si elles étaient sauvées.

– Nous saurons cela dans quelques minutes, fit-il.

Jacques, qui était aux genoux de Lydie, se leva alors et fit signe à Frédéric de le suivre.

– Vous n’attendez pas de savoir, leur demanda Cécily, étonnée, si votre fiancée va vivre ou mourir?

– Non, ma mère! Nous sommes sûrs, Frédéric et moi, que tout ce qu’il est possible de faire pour les sauver sera accompli par vos soins. Adieu, mère, nous n’avons plus le droit de rester une minute de plus ici! Ailleurs on nous attend! et c’est aussi une question de vie ou de mort! Quant à elles, quand elles vous entendront, dites-leur bien que nous les aimons toujours et faites-nous savoir au château de Versailles qu’elles sont sauvées.

L’auto refit la route de folie, mais quand Jacques et son lieutenant arrivèrent enfin à la place de l’Étoile, c’est en vain qu’ils cherchèrent partout l’auto du général Mabel et le général Mabel lui-même. Il n’y était plus!

XVII VERSAILLES

Jacques regarda sa montre:

– Nous sommes en retard de cinq minutés sur l’heure qu’il avait lui-même fixée comme dernière limite de son attente. C’est nous qui sommes en faute. Nous le retrouverons peut-être en route!

Et l’auto repartit comme une flèche. Elle traversa le bois, les villages, les campagnes…

Chemin faisant, ils cherchèrent encore à apercevoir l’auto du général Mabel; mais celui-ci devait être déjà à Versailles: il avait appris certainement ce qui s’était passé à la Chambre et au Sénat, peut-être même avait-il déjà vu le président du Sénat!

Les troupes, près de dix mille hommes dont il disposait, devaient être déjà autour du château!

Ils dépassèrent plusieurs autos dans lesquelles ils reconnurent des parlementaires amis.

Le vieux comte de Chaune disait alors en montrant Jacques à Warren, de la grande maison Warren qui mit plus de vingt de ses voitures à la disposition du Sénat:

– Ce garçon-là sera, ce soir, au-dessous de Paillasse ou au-dessus d’Épaminondas!

Ils arrivèrent à Versailles sans grand retard, mais furent stupéfaits en débouchant sur la place du château de n’apercevoir aucune troupe!

Où donc étaient les soldats de Mabel? Où donc était Mabel lui-même? Et où était le bataillon du Subdamoun qui aurait dû déjà se trouver dans la cour du château?

Un désordre indescriptible semblait régner dans la cour. L’absence de la force armée affolait tous les parlementaires. Les groupes se ruèrent vers Jacques dès qu’ils le virent descendre d’auto.

Eh bien? s’écria-t-on autour de lui… Et Mabel? Où est Mabel? On l’attend! On vous attend! Que se passe-t-il?

– Mabel arrive! leur cria Jacques. Entrez tout de suite dans la salle des séances! Où est le président du Sénat?

– Mais il attend Mabel! Il vous attend! Nous ne pouvons rien faire sans Mabel.

En s’élançant dans le palais, Jacques se heurta à Michel qui en sortait.

– Mabel! Mabel! lui cria Michel.

– Je le quitte! Mais tout le monde en séance! Tout le monde en séance! criait-il dans les corridors. Il faisait l’huissier, il était furieux de la mine déconfite, blême, avachie, de la plupart de ceux qui étaient là et qui ne croyaient plus à rien parce qu’ils ne voyaient pas les baïonnettes qu’on leur avait promises.

Il y avait déjà des députés qui haussaient les épaules. D’autres qui regrettaient d’être venus. D’autres qui raillaient les préoccupations somptuaires prises par le président du Sénat, qui avait voulu que l’affaire se passât dans sa décoration ordinaire et qui avait fait donner des ordres dans la nuit pour que, à l’aile gauche du château, devant l’édifice du Congrès, on dressât un dais de toile!

C’est dans le salon réservé ordinairement aux ministres, les jours de congrès, que Jacques trouva le président du Sénat avec les membres du bureau, et Oudard et Barclef. Il en ressortait presque aussitôt.

Sur une des banquettes de velours rouge à crépines d’or de la galerie des bustes, Jacques retrouva Frédéric:

– Venez! lui cria-t-il. Ces gens-là ne veulent rien faire sans Mabel et nous ne savons ce qu’il est devenu! Nous allons essayer de tout faire sans lui!

Dans la cour, sur la place, on courut derrière lui:

– Où allez-vous? Où allez-vous?

– J’ai rendez-vous avec Mabel. Dans cinq minutes, je suis là, avec le général et les troupes!

Il se fit conduire à la caserne où gîtait provisoirement le bataillon du Subdamoun, commandé par des officiers de l’armée coloniale auxquels il pouvait tout demander.

Celui qui l’avait remplacé à la tête de cette troupe d’élite était un camarade qui avait fait campagne avec lui, sous ses ordres, le commandant Daniel.


Перейти на страницу:
Изменить размер шрифта: